Défloodorium

C'était par un beau jour d'été bien lourd, que cinq jeunes filles ne sachant plus trop quoi faire pour passer leurs journées (en effet, elles avaient déjà fait cent fois le tour de leur petit patelin vide de monde), décidèrent d'aller faire une randonnée dans les forêts avoisinantes. C'est donc dans la bonne humeur qu'elles se dirigèrent hors de la ville vers trois heures de l'après-midi. Ce groupe dont je faisais partie, s'engouffra dans un sentier tortueux en parlant de tout et de rien, bref des banalités qui faisaient le quotidiens de jeunes collégiennes en quête de distractions. Nous finîmes par nos rendre compte que le chemin que nous emprintions, devenait de plus en plus restreint jusqu'à définitivement disparaître. Nous nous posâmes la question de savoir si il était prudent de s'enfoncer plus loin dans ces bois, puis remarquant que le soleil brillait toujours avec ardeur dans le ciel, nous préférâmes rester à l'abri du couvert végétal (il faisait bien trop chaud pour s'aventurer de nouveau sur les routes goudronnées qui réémettait cette chaleur torride qu'elles avaient accumulée). Nous continuâmes donc notre excursion dans la joie et la bonne humeur avec grâce et candeur. La grâce n'état pas forcément au rendez-vous car par chez nous le relief est présent et certains sentiers sont très tortueux, nous étions donc parfois dans l'obligation d'escalader des pans entiers de tertres boueux et glutineux qui nous rendirent plus sales que nous le souhaitions.
Seulement, au bout de quelques temps, nous remarquâmes incessament, le ciel s'obscurcissant. De gigantesques cumulonimbus d'un noir d'encre recouvrait ce soleil d'été qui nous accablait tant auparavant. La forêt que nous traversions se fit plus sombre et plus inquiétante, tellement que nous avions l'impression que la nuit était tombée d'un seul coup. Des ombres malveillantes se formaient ça et là entre les broussailles et les taillis qui semblaient nous targués de leur soudaine et effrayantes supériorité. Malfaisants étaient désormais les arbres qui brandissaient leurs branches effilées et menaçantes comme les serres d'un rapace essayant d'attraper sa proie. Plus proche de la terre, les ronces ondulaient telles des serpents épineux, arranchant la peau de nos jambes déjà meurtries par l'effort.
Soudain, la foudre déchira le ciel, éclairant par la même occasion la sombre forêt, avant qu'un puissant coup de tonnerre retentisse avec véhémence juste au-dessus de nos têtes. Nous sursautâmes toutes ensembles comme si nous avions entendu les trompettes de l'Apocalypse annonçant la mort de toute chose. Même moi je frémissai au milieu de toute cette mise en scène engendré par notre imagination, bien que je vénérai les orages, tornades et autres sinistres ouragans. Nous arrêtâmes alors en plein milieu de notre ascension et conversèrent sur la meilleure décision à prendre. La raison étant le plus souvent victorieuse, nous décidâmes de rebrousser chemin. Ce fut sous les le grondement de l'orage et la petite pluie fine qui se mit à tomber que nous stoppâmes une nouvelle fois notre avancée; personne ne reconnaissait ces rochers abruptes qui bordaient le sentier que nous suivions. Cette audieuse idée s'imposa à nous tel une ode funeste: nous étions perdues! Perdues, seules dans la pénombre de cette forêt inqiétante, sous cet orage angoissant dont la lumière de la foudre s'abattant sur nos têtes déformait les alentours en bestiaires patibulaire. Le cerveau est vraiment bien étrange, c'est là que se niche l'imagination, et dans une telle situation elle est souvent la cause qui fait naître en nous les plus grande peurs. Toutes nous inventions de terribles menaces qui pourraient arriver à tout moment, l'une d'entre nous inventa même qu'une horde de sanglier effrayée par le tonnerre foncerait sur nous et nous piétinerait (c'est dire si l'imagination est parfois fantasque!).
Voyant que la panique commençait à gagner le groupe, une amie au fort caractère ainsi que moi-même, nous reprîmes les choses en mains et décidâmes qu'il fallait continuer à marcher; au moins nous aurions peut-être une chance de trouver par miracle un chemin que nous pourrions reconnaître et qui nous ramènerais auprès de notre chère petite ville. Nous entreprîmes de marcher droit devant nous, en espérant ne pas aller dans la mauvaise direction. C'est alors que je remarquais un sentier bordé d'un arbre assez particulier; pépiant comme une folle que j'avais débusqué le sentier tant espéré, le moral remonta comme une flèche dans l'assemblée. Nous nous mîmes à courir avec l'aisance de dératés, pressées que nous étions de nous retrouver en terre connue.
Enfin, nous débouchâmes à l'orée de la forêt où passait par ailleurs une route humide de pluie. L'averse venait de se terminer et l'orage continuait son petit bonhomme de chemin pour aller tirailler d'autres étendues forestières, laissant réapparaître un soleil timide et qui commençait à décliner. Nous regardâmes nos montres et constatâmes que nous avions passé plus de trois heures dans les bois. Il était temps pour nous de rentrer et de se restaurer afin d'oublier cette petite frousse sur laquelle nous nous esclaffions déjà. Ainsi, nous remontâmes la route en pente, les jambes trempées et crottées, en se tenant par les épaules et en chantant en choeur "à la pêche aux moules".